fresques climat réunion
Les fresques, un apprentissage en intelligence collective
Les fresques, qu’elles soient du climat, de la biodiversité ou des nouveaux récits, sont des outils pédagogiques qui servent à partager le savoir autour de nombreux sujets environnementaux et sociétaux. Emilie LINKWANG, membre de la communauté de fresques.re, vient nous parler de cette association fraîchement créée et nous aide à mieux comprendre l’intérêt des fresques dans notre quotidien citoyen et professionnel.
Kissa ou lé? – Qui es-tu?
Emilie LINKWANG, j’ai 42 ans et je suis ingénieure informatique de formation. J’ai passé plusieurs années dans ce domaine puis je me suis dirigée vers le digital de manière générale et le marketing. J’ai entamé des transitions personnelles, il y a plus de 15 ans, et j’ai décidé qu’il fallait aussi aligner ma vie professionnelle à cela. J’ai donc pris un virage dans ma carrière en mettant 100% de mon temps et de mon énergie au service des transitions. Mon envie, c’est de donner un coup de pouce pour participer aux changements de comportements. Il faut beaucoup de temps pour chercher des alternatives à nos habitudes, comprendre les sujets liés au climat, à la biodiversité ou à l’exploitation excessive des ressources. Donc, pour participer à l’accélération des transitions, je m’attèle à faire comprendre les problèmes et à expliciter au mieux les solutions possibles.
Comment découvres-tu les fresques?
En 2020, en pleine période de COVID, je tombe, un peu par hasard, sur un atelier de la fresque du climat en ligne. J’y participe et j’adhère tout de suite au format. Les jours suivants, je me formais pour être animatrice et j’entamais mon parcours d’animatrice bénévole. Puis, je me suis lancée dans un marathon des autres fresques pour découvrir d’autres thématiques. Aujourd’hui, lorsque je souhaite monter en compétences sur un sujet, je commence par une fresque parce que le format court (entre 2 et 3 heures) et la quantité de choses que l’on peut y apprendre font de cet outil une belle introduction à un sujet que l’on souhaite comprendre.
C’est quoi une fresque?
C’est un outil pédagogique concernant les transitions écologiques et sociétales. Il en existe une soixantaine et elles sont majoritairement basées sur des données scientifiques solides. On les utilise sous forme d’ateliers d’intelligence collective en présentiel, idéalement, mais il est possible de les faire à distance. Les groupes sont composés d’un animateur et de 4 à 8 participants qui vont travailler avec un paquet de cartes qu’ils vont devoir manipuler, analyser et utiliser, ensemble. Sur un support, comme une grande feuille blanche, le but sera de positionner les cartes et de les connecter entre elles. Les cartes possèdent, d’un côté, un titre et une illustration et un texte explicatif de l’autre. À la fin de la séance, le schéma doit montrer des liens ou des regroupements entre les cartes comme des liens de conséquence par exemple. L’objectif principal d’une fresque est d’apporter de l’information sur un sujet, de sensibiliser à travers l’utilisation de plusieurs intelligences. Les ateliers permettent en effet de faire appel à plusieurs compétences : la collaboration, l’analyse, la synthèse… En fin de séance, on entre dans un deuxième temps, pour échanger sur les solutions et les alternatives que l’on pourrait mettre en place à notre échelle, et même plus. En un temps record, les participants repartent avec une réelle compréhension de l’enjeu et des pistes d’actions pour agir concrètement.
Quel est le public cible de ces ateliers ?
Aujourd’hui, à travers la structure fresques.re, la communauté a identifié 5 cibles que sont :
- Les professionnels, donc les entreprises et les collectivités, qui veulent soit, faire participer l’ensemble de leurs collaborateurs à une animation, soit, proposer un atelier sur la base du volontariat,
- Les associations qui souhaitent sensibiliser leurs adhérents ou leurs bénéficiaires pour partager des valeurs communes. On se rend compte que les prestations faites auprès des associations sont souvent issues d’un engagement similaire à celui des fresques,
- L’enseignement supérieur qui a besoin de sensibiliser ses étudiants sur les sujets des transitions, peu importe leur formation initiale. Il faut aussi prendre en compte que les citoyens de demain, ce sont eux et que, s’ils ne sont pas correctement sensibilisés et formés, les enjeux des transitions ne seront pas compris et donc oubliés dans les prises de décision futures,
- Les scolaires (collège et lycée), souvent les initiatives viennent d’un.e professeur.e qui a assisté à un atelier ou qui est déjà sensibilisé.e aux transitions et qui souhaite embarquer ses élèves avec lui/elle,
- Le citoyen, qui est un public qu’il faut aller chercher parce que le citoyen ne sait pas forcément ce qu’est une fresque et où et quand cela se déroule.
Chacune de ces cibles a ses propres enjeux et on propose donc différentes prestations, payantes ou gratuites, afin de répondre au mieux à chacun des besoins. Parfois, il s’agit de sensibilisation citoyenne. Parfois, il s’agit d’intervenir dans le cadre d’un moment de teambuilding ou d’une politique RSE de certaines entreprises qui passent par le levier des fresques pour former leurs collaborateurs de manière ludique. Ce format permet vraiment de contraster avec les formations habituelles. Pendant une fresque, on peut se retrouver à travailler en groupe avec un collègue que l’on n’a jamais rencontré, debout, autour d’une table, avec des cartes. Le présentiel apporte plein d’avantages sur ces aspects sociaux et de rencontres humaines, c’est pourquoi, même s’il est possible de faire des ateliers en distanciel pour la plupart des fresques, on essaye de maximiser les interventions en présentiel. Dans les versions digitales, on utilise des outils de type « tableau blanc » couplés à un outil de conférence en ligne, mais on perd beaucoup des échanges entre les participants qui sont très importants pour le bon déroulement de l’atelier, mais aussi, simplement, pour les aspects sociaux et d’écoute qu’on peut trouver naturellement lors des conversations autour des pauses-café par exemple. Le digital n’est pas non plus à mettre de côté puisque cela permet de participer à des formations pas encore disponibles sur l’île et d’accéder à des éléments sans avoir à prendre l’avion. Il est possible de se former en local, mais ce n’était pas encore le cas il y a quelques années et ce n’est pas encore possible pour toutes les fresques. En effet, pour devenir animateur, il faut participer à une formation avec un formateur, qui a de l’expérience et qui est identifié dans le réseau comme un formateur. Il y en a quelques-uns sur l’île, mais pour certaines fresques seulement donc le format digital reste important pour ces sujets de formation des animateurs et de diversification des fresques sur le territoire.
Quels sont les avantages apportés par les fresques?
- C’est efficace, le ratio entre le temps de l’atelier et la quantité d’information donnée est très intéressant.
- Le format est ludique et vient parfois pallier un système de formation qui n’est pas adapté à tous.
- L’atelier fait appel à plusieurs types d’intelligences ce qui permet à chacun de s’y retrouver. La phase d’ancrage des connaissances via un moment créatif est particulièrement efficace.
- Le fait de comprendre ensemble les enjeux d’un problème permet de lever les freins à l’action et permet à ce qui ont envie d’agir de rencontrer moins d’obstacles.
Tu aurais pointé des limites à ce système?
- Ceux qui s’y connaissent déjà bien sur les transitions peuvent ressortir moins enjoués que les autres.
- Parfois, le fait que le focus soit mis sur la sensibilisation peut frustrer certains participants qui souhaitent aller plus loin sur des décisions concrètes d’actions. Or, les fresques ne sont pas des outils pour transmettre des solutions toutes faites, mais pour sensibiliser les participants et les aider à trouver leurs propres solutions.
- Un.e animateur.rice ne peut animer que pour 16 participants maximum, c’est donc parfois compliqué quand on veut faire participer beaucoup de monde.
Fresques.re, l’association dont tu fais partie, c’est donc une façon de porter l’outil en local ?
Fresques.re est une association réunionnaise créée en janvier 2023. Elle a pour but de regrouper les animateurs des différentes fresques qui existent sur l’île. Depuis le début de l’aventure, on a identifié plus de 150 animateurs formés sur l’île pour le moment. Un autre objectif de l’association est de mutualiser les outils et les démarches en local comme trouver les locaux pour effectuer les ateliers par exemple. Le fait de se regrouper permet de lancer des démarches avec plus d’impact (démarchage commercial, demandes de subvention, réponses à appel d’offres, possibilité de proposer des ateliers avec un grand nombre de personnes en faisant intervenir plusieurs animateur.rices en même temps…). La structure de l’association permet aussi de donner de la visibilité aux ateliers. Lorsque l’association organise un atelier, tout un système de responsabilités et de rémunération, s’il y a, est mis en place avec la distribution de rôles parmi les membres de la communauté car il faut, certes, aller démarcher les organismes mais aussi faire des devis, trouver un local, trouver les animateurs formés à la fresque proposée, organiser la logistique sur place, donner de son temps pour animer les ateliers… Ces rôles peuvent éventuellement être cumulés par une même personne. En tous cas, le système que l’on met en place permet de faire intervenir plusieurs profils et de valoriser chaque personne qui a participé à la mise en place et à l’exécution d’une prestation d’atelier.
La communauté compte actuellement une cinquantaine de personnes actives. Sachant qu’il est maintenant possible de se faire former sur l’île, la communauté évolue assez rapidement. Sur l’île, nous sommes capables de proposer plus de 10 des fresques existantes: la fresque du climat, la première fresque qui a été proposée en atelier lors de la création du concept, la fresque du numérique, de la biodiversité, des nouveaux récits, de la mobilité, de l’économie circulaire, de l’alimentation, des sols, de la construction et le cycle des déchets, fresque qui a été développée en local. De nombreux adhérents sont également animateur.rices d’autres ateliers sous d’autres formats comme : 2tonnes, Inventons nos vies bas carbone ou MyCO2.
Le fonctionnement de l’association est basé sur une gouvernance partagée. Cela permet de sortir du cadre habituel du bureau qui a généralement un droit exclusif à la prise de décision. Ce n’est pas forcément parfait et facile au quotidien, mais les membres ont la possibilité de s’approprier plus de libertés pour pouvoir entreprendre, développer des actions ou des projets pour faire avancer la cause sans avoir besoin de l’aval de qui que ce soit au sein de l’association.
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Source des images: Fresques.re, pexels